Cathédrale de Lausanne
Le mystère du chapiteau enseveli
29.10.2024 / FAO n° 87
C’est l’histoire d’un chapiteau au lion et aux griffons, retrouvé totalement intact dans le sous-sol de la cathédrale de Lausanne en 1910. Conservatrice en chef au Musée cantonal d’archéologie et d’histoire (MCAH), Sabine Utz fait parler cette œuvre lapidaire et livre des secrets… de taille. L’histoire commence en 1910 à la cathédrale de Lausanne, joyau de l’art gothique. En creusant dans le chœur au niveau du déambulatoire, sous l’actuel tombeau d’Othon de Grandson, Albert Naef, premier archéologue cantonal, met au jour avec son équipe cinq chapiteaux…romans.
Sur la face principale, on voit un lion stylisé: «La composition est à la fois très expressive et très symétrique, tout à fait dans le goût roman: sa crinière – des volutes graphiques – rejoint une frise géométrique qui fait office d’abaque ou tailloir de sa gueule mystérieuse, surmontée de moustaches, sortent deux griffons qui s’épanouissent sur chacune des faces latérales.» Le lion les avale-t-il? Ou, au contraire, les crache-t-il comme deux volutes de fumée? L’interprétation reste ouverte. Par ailleurs, à l’arrière, au lieu d’une quatrième face, le bloc possède une longue queue dont le parement visible laisse supposer qu’il était appareillé dans un angle, en attente d’accueillir une colonne de parement. C’était donc vraisemblablement un chapiteau sans véritable fonction structurelle, un usage assez fréquent dans l’architecture religieuse», explique la conservatrice.
Des chapiteaux démodés
On a l’impression en observant ce chapiteau venu du fond des âges, qu’il est comme neuf: aucune trace d’usure sur ce bloc taillé de molasse. Sabine Utz lève le voile: «Ces chapiteaux sont datés d’environ 1150, ce qui correspond à un premier projet de reconstruction de la cathédrale. À cette époque, le clergé est très connecté à travers l’Europe et les goûts se diffusent assez vite.» Quatorze autres chapiteaux de style roman, moins effrayants et plus végétalisés, ont été jugés suffisamment adéquats pour être utilisés dans le déambulatoire et le bras nord du transept. Il ne faut pas manquer d’aller y observer celui des oiseaux picorant des graines et celui d’une personnification de la luxure.
Des trésors bien cachés
À la fin du chantier, en 1912, Albert Naef avait eu l’idée, très novatrice pour l’époque, d’aménager un petit chemin de visite sous la nef, permettant de découvrir les vestiges des trois édifices précédents. À la suite de sa fermeture dans les années 1970, pour des questions de sécurité, les pièces sculptées présentées dans ce petit musée souterrain ont été déplacées dans un dépôt spécialement construit à proximité.
Ce chapiteau raconte encore une autre époque et une autre histoire, celle du MCAH: l’occasion de se rappeler que, depuis 1912, l’État de Vaud est propriétaire des objets archéologiques trouvés sur son sol. «Le MCAH dispose d’une importante collection lapidaire, également dépositaire de lieux comme le château de Chillon ou les abbatiales de Payerne et Romainmôtier.» Que de trésors insoupçonnés, savamment rangés sous nos pieds!
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