La commission cantonale consultative en matière de procédés de réclame à caractère sexiste a statué sur une publicité qui lui a été signalée le 13 mars 2022 et a rendu le préavis suivant lors de sa séance du 28 mars 2022:
Publicité pour l’application Blick.ch
La commission consultative sur les procédés de réclame à caractère sexiste s’est réunie le 11 avril 2022 et a émis le préavis suivant:
Les procédés de réclame sur les trois thèmes (femme seule dans la rue, match de foot et match de hockey) faisant la promotion de l’application Blick.ch revêtent un caractère sexiste, au sens de l’article 5b al. 2 de la Loi vaudoise sur les procédés de réclame (ci-après: LPR, BLV no 943.11).
La publicité analysée est une affiche qui a été vue depuis le domaine public surtout durant le courant du mois de février mais également en mars et en avril. Cette réclame constitue donc un moyen graphique, destiné à attirer l’attention du public dans le but de faire de la publicité pour une application pour le quotidien Blick.ch. Il s’agit d’un procédé de réclame, au sens de l’article 2 LPR.
Ledit procédé de réclame est visible, à l’extérieur, par le public (article 3 al. 1er et 5b al 1er LPR). Il a été aperçu durant le printemps à Lausanne, notamment dans le quartier du Flon. La dernière affiche en date a été vue à Morges à la Rue des Fossés le 31 mars 2022. Ce procédé de réclame est donc encore actuellement visible à certains endroits.
Le cas d’espèce a été porté à la connaissance de la commission par une personne faisant partie l’administration cantonale (article 24 al. 2 LPR).
La Commission est donc compétente pour rendre un préavis sur le procédé de réclame en question (article 24 al. 1er LPR).
Signalement publicité Blick.ch
Cette publicité fait partie d’une campagne de lancement pour promouvoir l’application Blick.ch pour les news et pour le sport. Elle s’est déroulée dans le courant du mois de février. Bien que cette campagne touchait à sa fin, la publicité a été encore vue à Morges, à la Rue des Fossés, en date du 31 mars 2022.
Il y a donc un intérêt actuel à ce que la commission se penche sur ce cas et rende un préavis.
Cette campagne de publicité pour l’application Blick.ch est déclinée en plusieurs thèmes, à savoir le thème des événements sportifs (2 affiches relatives à un match de foot et de hockey) mais également les faits divers (1 affiche sur le thème de l’agression d’une femme marchant de nuit dans la rue). L’affiche est à chaque fois composée de trois images sur le même thème, qui se succèdent verticalement, sous trois perspectives différentes.
Celle sur le thème du foot se décompose comme suit: un arbitre de foot sur le terrain qui distribue un carton rouge. Au-dessus de l’image, il est indiqué: «
21h12: sa décision
». Puis l’on peut voir la deuxième image mettant en scène le journaliste sportif qui propose, à chaud, son analyse. Il est indiqué au-dessus de l’image: «
22h13: notre analyse
». Et enfin, le public-cible de l’application, à savoir les supporters qui la consultent pour connaître les détails du match. On peut lire au-dessus d’eux: «
21h14: votre réaction
».
La même affiche mais déclinée avec le thème du match de hockey procède de la même manière et met uniquement des hommes en scène, faisant également montre de toute leur virilité. L’affiche se décompose comme suit:
Sur la première image, on peut voir des hockeyeurs levant les bras suite au marquage d’un but ou au gain du match. Au-dessus d’eux, on peut lire «
Ils donnent tout
». La deuxième image montre un journaliste sportif rédigeant devant son ordinateur son analyse du match. Il est indiqué au-dessus de lui «
Nous donnons tout
» et enfin, la troisième image montre un supporter ravi, qui crie victoire de manière très démonstrative. Le sur-titre indique «
Vous donnez tout
».
La troisième affiche qui pose problème et qui a fait initialement l’objet du signalement est celle consacrée au thème des faits divers. On y voit une femme qui marche seule de nuit dans une rue humide et déserte avec une ombre derrière elle qui suggère qu’elle est suivie et sur le point de se faire agresser. Au-dessus de cette image, il est indiqué: «
La peur
». La deuxième image, au centre de l’affiche, met en scène une femme journaliste qui semble prendre des informations téléphoniquement pour être en mesure de relater le fait divers en question. Au-dessus de l’image il est indiqué: «
Notre enquête
». Et la troisième image montre une femme en train de consulter l’application Blick.ch et qui apprend la nouvelle de ce fait divers. Il est indiqué au-dessus: «Votre stupéfaction».
Ces affiches posent problème sous l’angle des stéréotypes sexuels qui mettent en cause l’égalité des sexes. Certes, prises individuellement, ces affiches ne revêtent pas nécessairement un caractère sexiste. Par exemple, l’affiche mettant en scène la femme et la peur n’est pas en soi sexiste. En effet, il est très vraisemblable que les femmes sont plus susceptibles d’être agressées dans l’espace public que les hommes. Cela ne constitue pas, pour autant, un stéréotype sexuel. En revanche, c’est la mise en parallèle des trois affiches qui conduit la commission à estimer que celles-ci véhiculent un message sexiste.
En effet, les deux autres sujets de la campagne ne mettent en scène que des hommes, virils, gagnants, mis en scène dans des situations très stéréotypées comme si on réservait les performances et les réussites sportives uniquement à la gent masculine. Alors que de l’autre côté, on représente les femmes comme vulnérables et émotionnelles. Attribuer les exploits sportifs et les performances aux hommes et la vulnérabilité et l’émotivité aux femmes répond à la définition du stéréotype sexuel qui met en cause l’égalité entre les femmes et les hommes.
Or, l’article 5b de la Loi sur les procédés de réclame vise notamment à interdire les publicités faisant précisément usage de cette forme de discrimination.
Enfin, le fait que l’affiche sur la peur ne mette en scène que des femmes et les affiches sur le hockey et le foot ne montrent que des hommes renforce encore ce sentiment de visions du monde ségréguées et stéréotypées. En outre, le nombre inégal de thèmes mettant en scène les hommes (2 affiches) et des femmes (1 affiche) renforce encore cette appréciation.
Au surplus, le cas d’espèce conforte une fois de plus la commission que la lecture d’une publicité doit se faire à la lumière des autres publicités faisant partie de la même campagne même si le signalement porté à la connaissance de la commission ne concerne qu’une seule d’entre elles, comme c’est le cas en l’espèce.
Au vu de ce qui précède, la commission considère que les trois affiches (la peur, le hockey et le foot) constituent des procédés de réclame à caractère sexiste, au sens de l’article 5b LPR, en raison de leur caractère stéréotypé et nécessitent donc leur interdiction par l’autorité compétente, en vertu de l’article 23 LPR.
Le présent préavis fera l’objet d’une publication dans la FAO ainsi que sur la page internet dédiée de la DGMR.
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Pour la Commission:
Florence Burdet Kamerzin,
Présidente