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Patrimoine immatériel et traditions vivantes

Un canton qui sait préserver son terroir

20.03.2020 / FAO n° 23

Nos fromages AOP sous cloche ? Un défi qu’a lancé l’UNESCO en 2003 en instituant une Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, entrée en vigueur en Suisse en 2008.

Un canton qui sait préserver son terroir
Des produits de grande consommation, typiquement suisses et qui ne sont pas répertoriés au patrimoine immatériel manquent davantage aux Suisses en exil que des mets du terroir, comme la fondue.
Crédit photos: ARC Jean-Bernard Sieber

Fondée en 2004, l’association indépendante Patrimoine culinaire suisse a recensé 31 spécialités vaudoises, des beignets des Brandons de Moudon au vacherin Mont-d’Or AOP en passant par le taillé de Goumoëns ou le sel de Bex. Mais il faut attendre 2012 pour que l’inventaire vaudois du patrimoine immatériel rende justice à certains plats composés comme le papet vaudois, la soupe aux pois de Sainte-Croix ou les malakoffs de La Côte.

 

Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es…

Conservatrice du patrimoine immatériel pour le Canton et historienne de la culture, Ariane Devanthéry trouve passionnant de déceler ce qui se cache sous les usages : d’apprendre que l’oxymorique «salée au sucre» vient en fait du mot « sallaye » pour «gâteau levé» ou que ce qui manque le plus à un Suisse en exil n’est pas la fondue, mais… le yogourt moka! «Une tradition culinaire clairement suisse à l’instar de l’Aromat Knorr* ou du Cenovis* qu’on ne trouve dans aucune liste officielle,» note-t-elle amusée.
Du côté de l’Office fédéral de la culture, la première version d’une « liste des traditions vivantes » en Suisse a été publiée en 2012 et on en dénombre aujourd’hui 199. Parmi elles, huit ont été adoptées par le Conseil fédéral en 2014 pour entrer à l’Unesco, dont « la saison d’alpage » qui devrait être finalisée dans les années qui viennent. Pour Ariane Devanthéry, qui fait partie du groupe de suivi du projet de rédaction de cette dernière, cette tradition permettra d’évoquer les productions fromagères d’alpage, dont le canton de Vaud n’est pas avare.

 

Le terroir en conserve ?

«Quoi qu’il en soit, le Canton n’est pas propriétaire du patrimoine, assure Ariane Devanthéry. Les traditions ne se perpétuent que quand elles ont du sens pour les gens qui les pratiquent avec enthousiasme, comme le fait de décorer un char à carnaval. Il ne faut pas les maintenir sous cloche comme du mobilier, sinon elles meurent.» Préserver plutôt que conserver dans la naphtaline: voici ce qu’a bien compris le Canton, qui voit d’un œil favorable les initiatives privées perpétuant les traditions, voire les encourage grâce à une enveloppe annuelle de 100’000 francs destinée à soutenir les projets immatériels et mobiliers. C’est ainsi qu’avec son aide, la première édition de la Coupe du monde de la raisinée (inspirée du Mondial de fondue à Tartegnin) verra le jour à Poliez-le-Grand le 2 octobre 2020, symbolisant ainsi le joli paradoxe de nos traditions qui ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas…

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