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Maison de l’environnement à Lausanne

Une maison témoin… de notre temps

26.11.2021 / FAO n° 95

Inaugurée le 9 septembre à Lausanne-Vennes, la Maison de l’Environnement (MEV) est le premier complexe administratif de cette ampleur en Suisse, construit en bois local et en terre crue. Un bâtiment emblématique, pionnier d’une nouvelle ère où la réduction des émissions de CO2 est désormais au cœur des priorités pour le parc immobilier de l’État de Vaud.

Une maison témoin… de notre temps
Les charpentes et la façade de bois en cours de montage.
Crédit photos: Terrabloc

La sculpture du paresseux suspendu à sa branche dans le hall d’entrée n’a pas manqué de soulever quelques sarcasmes lors de l’inauguration de la MEV, destinée à accueillir près de 200 collaboratrices et collaborateurs de la Direction générale de l’environnement (DGE). L’œuvre fait pourtant référence aux qualités mal connues de cet herbivore sympathique, réputé pour être l’un des animaux les plus efficaces et parcimonieux de la planète en matière d’énergie. Réalisé en céramiques émaillées d’une patine turquoise qui évoque la tradition ornementale des édifices publics, il est aussi la touche originale d’un bâtiment qui a mis la sobriété, l’économie de moyens et l’humilité au cœur de son programme: «Et si l’on cessait de se comparer au requin ou au loup?» propose Emmanuel Ventura, l’architecte cantonal qui a supervisé le chantier de ce bâtiment dont il loue, sans fanfaronner, «l’âme incroyable».

D’une «terre» deux coups
Construite pour regrouper le personnel de la DGE réparti auparavant sur cinq sites, la MEV a également vocation d’exemple puisqu’elle est bâtie essentiellement en bois local et en terre crue: un modèle de construction peu énergivore. Les surfaces de travail s’organisent autour de deux patios végétalisés à éclairage zénithal, dont les épais murs de terre crue contribuent au confort thermique et régulent le taux d’humidité.

Si le bois de charpente et en façade n’est pas vraiment une révolution, l’emploi de la terre crue est en revanche plus innovant chez nous. Pour cette technique ancestrale, il suffit d’utiliser de la terre locale mélangée à de l’eau et à un liant qui fait office de colle afin de réaliser des briques en terre compressées. «S’il reste encore quelques traces de ciment – problématique, car générateur de CO2 – on est ici plus proche des 5% que des 15% habituels» tient à souligner Emmanuel Ventura.

Retour en force du bois
Outre le corps central en terre, la charpente et l’enveloppe extérieure de cet édifice de quatre niveaux ont été réalisées entièrement en bois, soit plus de 4000 m3 – majoritairement de l’épicéa – prélevés dans les forêts cantonales puis assemblés dans différentes entreprises vaudoises.
Un savant et discret jeu d’horizontales et de verticales encadre les nombreuses baies rectangulaires, et donne une impression presque artisanale de tressage. A l’intérieur, poutres apparentes, poteaux d’angle et encadrements en chêne apportent une touche chaleureuse indéniable.

Le hic? L’épicéa vaudois n’étant pas spécifiquement un bois de façade, il a fallu l’enduire d’un traitement monocouche protecteur, avec un effet de prégrisaillement. Ces pigments de mica naturels confèrent aux façades des reflets lumineux discrets.
«Pour l’annexe de la MEV, qui sera bientôt construite, on utilisera cette fois entièrement du mélèze, seul bois de façade qui tient sans aucun traitement». Seulement voilà, le mélèze pousse en Valais et ailleurs… En gros, ce que l’on gagne actuellement en énergie grise, on le perd dans des enduits plus ou moins naturels. Cruel dilemme qui occupe presque à temps plein l’État. Côté utilisation en cascade, les déchets du chantier ont fini en copeaux pour alimenter d’autres jardins, et en bois de chauffage.

«Trouver l’innovation dans le low tech»
«Une porte, ça s’ouvre et ça se ferme, pas besoin de domotique» clame haut et fort Emmanuel Ventura. Dans cette maison reliée à une pompe à chaleur géothermique, dont l’énergie renouvelable est couplée à 400 m2 de panneaux solaires photovoltaïques sur le toit végétalisé, place à la ventilation naturelle, rendue notamment possible grâce aux puits d’air chaud et d’air froid des patios. Aux occupants de moduler librement les entrées de lumière et de chaleur en ouvrant leurs fenêtres ou en baissant leurs stores. Un confort psychologique selon Emmanuel Ventura qui vante l’importance de pouvoir être « maître de son climat » et de ne pas dépendre d’une technologie souvent invasive: «l’État mène un véritable combat pour le bon sens». S’il confesse encore quelques lacunes dans la réalisation de cette maison modèle, Emmanuel Ventura est motivé pour la suite. Son credo? «Trouver l’innovation dans le low tech. Nous devons encore résoudre des questions liées au transport, aux matériaux ou à l’éclairage, mais cette maison est une première pierre très encourageante apportée à l’édifice de demain».


L’aspect de la Maison de l’environnement: un savant et discret jeu d’horizontales et de verticales encadre les nombreuses baies rectangulaires.
Crédit photos: Jeremy Bierer

Le saviez-vous?

Les surfaces de travail s’organisent autour de deux patios végétalisés à éclairage zénithal.
Crédit photos: Jeremy Bierer

• Lorsqu’un arbre pousse, 1 m3 de bois « absorbe » environ 1 tonne de CO2. Transformé en poutre ou en planches dans une construction, ce mètre cube de bois permet ainsi de stocker 1 tonne de CO2 durant toute la vie du bâtiment ! Le Conseil d’État, qui œuvre à des mesures prioritaires dans la filière-bois, souhaite notamment promouvoir le bois-construction comme alternative au béton.

• Face aux changements climatiques, les scientifiques prédisent qu’au cours des 50 prochaines années, les étages de végétation vont « remonter » d’environ 600 m. Le Conseil d’État mise notamment sur le soutien à la conversion progressive des peuplements forestiers inadaptés par une reconstitution avec des essences d’avenir (chêne, mélèze, pin, merisier, tilleul) lire encadré article précédent.