Les deux stars du canton
Fromage AOP et chasselas
06.03.2020 / FAO n° 19
Plus qu’un fromage, car en 2000, 2001 et 2003, ce sont respectivement trois spécialités fromagères de chez nous qui ont obtenu l’AOP : l’étivaz, le gruyère et le vacherin Mont-d’Or. Et si la fable vaut le détour, c’est que sur les huit régions viticoles AOC que compte le canton, plus de 60 % des crus sont issus du chasselas. Une spécificité bien vaudoise, encore mise en valeur par les Premiers Grands Crus (31 sur 35 étaient du chasselas en 2019), une mention qualitative haut de gamme reconnue par l’État de Vaud depuis 2012.
Lait et raisin : un mariage de raison
Philippe Herminjard, secrétaire-gérant du label Or Terravin se souvient : « En 2010, le Canton avait saisi l’importance de fédérer les forces de notre agriculture en élaborant une convention entre les trois interprofessions des fromages AOP et Terravin, s’appuyant sur le règlement sur la promotion de l’économie agricole ; un moyen « donnant-donnant » de faire parler honnêtement de tous ces beaux produits » pas toujours amis (alcool VS calcium), mais dont les vertus complémentaires se dévoilent lors d’ateliers d’accord vins et fromages organisés par Vaud Terroir, ou à l’occasion d’autres événements célébrant cet esprit de communion.
« Le chasselas, c’est le roi »
Mais tous les vins s’accordent-ils avec nos fromages AOP ? Pour Philippe Herminjard, « le chasselas, c’est le roi ! » Premier cépage vaudois devant le pinot noir, il est pour lui la quintessence pour les accompagner : « Les planètes sont alignées, car nos trois fromages vont à merveille avec ce cépage blanc du cru. » Et à ceux qui auraient la nostalgie du vin rouge, il les met au défi de tester cette union que Terravin enseigne d’ailleurs dans les écoles hôtelières de l’arc lémanique avec succès.
Vin d’honneur et Fromage d’excellence
Il semblerait en tout cas que le Conseil d’État a retenu la leçon puisqu’il a institué, en 2012, les désormais traditionnels « vin d’honneur et fromage d’excellence », destinés à mettre en valeur le meilleur chasselas et le meilleur gruyère de l’année. Pour Samuel Panchard, œnologue cantonal qui supervise l’exercice depuis sa nomination en 2017, c’est « la cerise sur le gâteau » dans son cahier des charges.
Le concept est simple : sur la vingtaine de Premiers Grands Crus (« le sommet de la pyramide, moins de 1 % des vins vaudois ») sont sélectionnées quatre cuvées, soumises ensuite aux sept conseillers pour une dégustation à l’aveugle.
Pour le cru victorieux, c’est d’abord 500 bouteilles achetées par le Canton, destinées aux événements officiels de l’année, et une visibilité prestigieuse. Même refrain pour le fromage. Les membres du gouvernement goûtent à l’aveugle quatre morceaux de gruyère AOP sélectionnés par l’interprofession parmi tous ceux ayant obtenu au moins 19/20 durant l’année.
Du gruyère de Montricher…
Fin 2019, le Conseil d’État a choisi. C’est le gruyère AOP d’Etienne Aebischer, à la Fromagerie gourmande de Montricher depuis 2015, qui a eu l’honneur de rejoindre le prestigieux plateau de l’année 2020 : un fromage au goût typique du pied du Mont-Tendre, aux arômes fruités et à la « pâte ferme quand on la rompt et fondante en bouche ». C’est la troisième année que ce titan de la meule – Etienne Aebischer produit 430 tonnes de gruyère par an, ce qui le place parmi les huit grandes fromageries de Suisse – est sélectionné pour ce fromage d’excellence. Déjà couronné d’une médaille d’or décernée par l’Interprofession, il reconnaît, presque gêné : « On ne recule pas devant une distinction, et celle-ci a en plus des retombées assez grandes dans les médias. Depuis le mois de novembre, de plus en plus de nouveaux clients viennent réclamer le même fromage que monsieur Leuba ! »
… au chasselas de la Côte
Côté vin, c’est le millésime 2018 du Château la Bâtie – dix hectares en coteaux exposés plein sud sur les hauts de Vinzel – dont Reynald Pasche est le vigneron depuis deux ans, qui a remporté les suffrages. Un chasselas élevé au sein de la prestigieuse Cave de la Côte (fraîchement élue cave suisse de l’année), « fruité, long et équilibré » : trois adjectifs qu’il est fier d’accoler à un vin de la Côte, qui n’est pas toujours la région viticole la mieux perçue. Et, comme s’il s’agissait d’un César, d’ajouter humble et heureux : « J’aimerais partager cette distinction avec mes collègues de la région… Et aller manger une fondue chez Etienne (ndlr : Aebischer) ! » Une belle morale pour clore la fable du fromager et du vigneron.
Rédaction: Emilie Boré
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