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Huile de noix vaudoise

Zoom sur notre future AOP

27.03.2020 / FAO n° 25

Avec deux autres huileries du canton, l’historique Moulin de Sévery est à l’aube de lancer la quatrième AOP du canton : l’huile de noix vaudoise. La preuve s’il en fallait que nos meuniers ne dorment pas.

Zoom sur notre future AOP
Jean-Luc Bovey, meunier de la sixième génération au Moulin de Sévery.
Crédit photos: ARC Jean-Bernard Sieber

Avant la Seconde Guerre mondiale, l’huile de noix (qui servait surtout à alimenter les lampes à huile) coulait à flot dans le Pays de Vaud. Puis, le gel de 1956 eut raison des derniers noyers que l’on abattit sans jamais les replanter. Devenue rare, l’huile de noix changeât progressivement d’image, quittant son statut de carburant (« huile noire ») pour celui de précieux et goûteux condiment. En 2010 enfin, un projet de développement agricole régional (PDRA) permit la replantation de 110 hectares de noyers dans le canton, portant leur nombre à quelque 25’000.

 

Faire partie des huiles

C’est à cette époque qu’un projet d’AOP pour l’huile de noix vaudoise a commencé à germer dans la tête de quelques producteurs dont Jean-Luc Bovey, meunier de la sixième génération au Moulin de Sévery.

Spécialités suisses de qualité présentant un fort lien avec leur origine et élaborées depuis des générations avec passion par des artisans, les appellations d’origine protégées (AOP) doivent prouver que toutes les étapes de la production, de la matière première jusqu’à l’élaboration du produit fini, ont lieu dans la région définie : des noix uniquement vaudoises pressées sur le sol vaudois dans la plus pure tradition, donc.

C’est ainsi que Jean-Luc Bovey décrit les longues heures de travail « pour réunir les notions historiques et surmonter les nombreuses contraintes juridiques que cela suppose ». Mais après moult allers-retours avec le Canton et l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), la mise à l’enquête officielle devrait avoir lieu ce printemps… La nouvelle interprofession, qui réunit à ce jour trois transformateurs de cerneaux de noix en huile (Sévery, Corcelles-près-Payerne et Yverdon-les-Bains) attend de rallier une quarantaine de producteurs locaux.

 

Noix et huile de coude

Première huilerie du canton, le Moulin de Sévery fait de l’huile depuis 1598. Transformatrice de cerneaux de noix, elle est dépendante de la matière première fournie par des producteurs locaux selon le traditionnel « travail à façon » contrôlé grâce au HACCP, une méthode de traçabilité de la production pour la sécurité alimentaire. « Notre production, c’est tout ce que la nature veut bien produire, ce que les animaux veulent bien nous laisser et ce que les gens veulent bien ramasser » récite, amusé, Jean-Luc Bovey qui insiste sur la pénibilité du travail de récolte à l’automne qui se fait encore la plupart du temps à la main.

Si 2018 a vu défiler près de 60 tonnes de noix au moulin pour un rendement de presque 40’000 litres d’huile, l’automne dernier a été bien chiche. « Actuellement notre activité est assez réduite car on n’a pas les volumes, donc on essaye d’acheter des cerneaux en Suisse ». Une option qui ne sera plus possible avec l’AOP, mais Jean-Luc Bovey reste confiant : « On s’aperçoit qu’on a toujours traversé des années avec des petites récoltes et à chaque fois, l’année d’après, ça repart ; il faut juste faire le dos rond. » Le dos rond du Moulin de Sévery, c’est surtout la diversité de ses produits : car s’il est réputé pour son huile de noix pressée à l’ancienne (environ 40 % de sa production totale), il presse également d’autres fruits à coque, ainsi que du colza, du lin, du tournesol ou de la caméline. « Et avec tous ces oléagineux-là, pas de problème d’approvisionnement ! » Il propose également dans sa boutique des vinaigres, des moutardes, des fruits secs ou des badigeons ainsi que d’autres produits paysans. « Pour nous c’est important d’être solidaire avec l’agriculture en général et nos voisins en particulier. »

 

Un produit artisanal d’exception

En marge de l’AOP, le PDRA imposait un aspect de valorisation à l’attention du public. Si le Moulin de Sévery est déjà un acteur important du tourisme de la Côte (avec des visites guidées et des dégustations), c’est un projet de grande envergure qu’il s’apprête à accueillir dès que le Grand Conseil aura ratifié la demande : la Maison de la Noix. Complètement intégrée au bâtiment actuel moyennant des travaux considérables, elle abritera bien sûr la presse traditionnelle pour assister à la fabrication de l’huile de noix, mais aussi un atelier d’énoisage, un restaurant (qui valorisera les plats à base de noix et les accords avec les vins du cru) et une salle de séminaire. A l’extérieur, un sentier didactique au fil de la petite noyeraie complètera l’offre.

On y apprendra que dans l’huile pressée artisanalement, la torréfaction – qui consiste à griller légèrement la pâte de noix – densifie les parfums, fixe les arômes et donne un goût puissant : si la vitamine E n’y survit pas (contrairement aux huiles pressées à froid), les oméga-3 sont toujours présents. « L’huile de noix est diététiquement très bonne et, gastronomiquement, c’est vraiment un super produit ». Si Jean-Luc Bovey reconnaît sa cherté (17 francs pour une bouteille de 25 cl d’huile de noix contre 5 francs 80 pour celle de colza), il met en avant la haute valeur ajoutée de ce produit artisanal d’exception, « dont quelques gouttes seulement suffisent à aromatiser un plat ».

A utiliser un peu à la manière d’une huile de truffe, cet odorant onguent rehausse il est vrai à merveille certains mets comme les salades, le fromage ou le carpaccio de bœuf. Dans la même veine, l’huile de noisette au parfum délicat est aussi une incroyable alliée pour rehausser légumes, pâtes ou poissons. A bon entendeur.