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Numérique

La justice vaudoise prépare sa mue numérique

28.03.2025 / FAO n° 25

Grâce au programme eJustice.VD, les autorités judiciaires ont entamé leur transition électronique. Le papier doit céder sa place au numérique, y compris dans les échanges avec les avocats. Retour sur les défis et les bénéfices de ce changement qui impactera 1900 utilisateurs à l’Ordre judiciaire vaudois et au Ministère public.

La justice vaudoise prépare sa mue numérique
Un vaste chantier numérique pour révolutionner les pratiques judiciaires au quotidien.
Crédit photos: Illustration | BIC-AL- photo1

La justice vaudoise a entamé sa mue. Le papier, qui fait actuellement foi, doit définitivement céder sa place au numérique, comme l’exige la nouvelle loi fédérale sur les plateformes de communication électronique dans le domaine judiciaire, qui devrait entrer en vigueur d’ici 2027, avec un délai transitoire de cinq ans pour les cantons. Elle stipule que la communication entre les autorités judiciaires et les professionnels de la justice, notamment les avocats, se fasse électroniquement et que les autorités judiciaires gèrent leurs dossiers de cette même manière. «Cela ne concerne toutefois pas les justiciables non représentés, qui continueront à avoir le choix entre faire un dépôt sur la plateforme numérique ou envoyer un courrier», précise Nathalie Blin, responsable métier du programme eJustice.VD. «Comme nous disposons déjà d’une application de gestion des affaires commune à l’Ordre judiciaire vaudois et au Ministère public, ce déploiement concernera ces deux entités», poursuit Nathalie Blin.

Un vaste chantier numérique officiellement entamé depuis 2023, grâce au concours d’une équipe de 25 personnes réunissant le métier et l’informatique dans un même lieu, et soutenue par une quinzaine de référents métier, issus du monde judiciaire (magistrats, greffiers ou gestionnaires de dossiers de différentes juridictions civiles, pénales et administratives).

De nombreux défis
Ce remaniement est parsemé de défis à relever, d’autant plus que le Canton veut aller au-delà du minimum légal pour assurer une transition numérique complète et cohérente. Aloïs Aubel, responsable informatique du programme eJustice.VD, nous en offre un rapide aperçu: «Il s’agit de faire évoluer les infrastructures et outils actuels, puis d’accompagner les utilisateurs au sein de cette justice totalement numérisée. Concrètement, cela passe par des rattrapages techniques, des évolutions fonctionnelles et l’intégration d’outils innovants permettant une gestion numérique totale. Nous devons, en outre, être compatibles avec Justitia.Swiss, la plateforme développée par le projet national Justitia 4.0, qui permettra aux autorités judiciaires de communiquer avec les avocats.» Fini, donc, les Post-its, le surlignage ou les annotations sur papier; tout se fera à l’écran.

Mais qui dit traitement informatique de données sensibles dit forcément sécurité. «Nous nous alignons sur la stratégie de l’État de Vaud en termes d’exigences sécuritaires, par exemple en gardant toutes nos données à l’interne du Canton, rassure Aloïs Aubel. Les exigences seront donc très élevées tout au long du processus. Quant à la plateforme nationale Justitia.Swiss, elle a fait des efforts très importants pour que les documents soient parfaitement protégés, notamment grâce à une clé de cryptage pour chaque dossier.»

Au chapitre des défis, Nathalie Blin cite encore l’harmonisation des processus entre les différents offices ou encore la compatibilité du matériel. «Nous avons réalisé un état des lieux dans nos offices qui montre que le câblage du réseau n’est pas toujours à des normes de performance satisfaisantes, constate-t-elle. C’est pourquoi nous avons entrepris des travaux. Des interrogations subsistent aussi quant à l’équipement des salles d’audience, qui devra permettre d’accompagner ce changement numérique. L’équipe du projet national Justitia 4.0 nous a prêté du matériel, que nous testons en ce moment avec nos référents métier, et bientôt avec des avocats.»

Une véritable simplification
Si cette transition est complexe, le résultat devrait être à la hauteur des enjeux et grandement simplifier la vie des 1900 utilisateurs (y compris les magistrats non professionnels), assure le binôme de responsables. «L’information sera plus facilement accessible, assure Nathalie Blin. On pourra travailler sur un dossier indépendamment du lieu ou de l’heure, alors qu’actuellement, on doit choisir qui le prend et quand. Et si le plan de classement numérique et les métadonnées sont bien réfléchis, on pourra trouver des pièces des dossiers, souvent très volumineux, en seulement quelques clics, y compris durant l’audience. Les tâches chronophages sans valeurs ajoutées, comme la copie et le transport des dossiers devraient disparaître, alors que la réception et l’envoi des courriers postaux devraient fortement diminuer, permettant de se recentrer sur les activités de fond de la justice.» Et Aloïs Aubel d’ajouter: «Cela permettra aussi des recherches par mots-clés sur l’ensemble des dossiers en quelques secondes. Un outil d’intelligence artificielle, quant à lui, facilitera le travail des collaborateurs dans l’anonymisation des décisions au moment de la publication de la jurisprudence. En outre, la maîtrise de ces outils et de ces processus par l’équipe programme garantit un traitement des données fiable et sécurisé au sein du réseau cantonal.» Comme nous ne sommes pas tous égaux face au numérique, des formations adaptées à chaque catégorie d’utilisateurs accompagneront ce changement majeur des habitudes de travail. La révolution numérique de la justice est bel et bien en marche. (FR)