Whisky, gin, vodka
Les nouveaux crus vaudois
12.03.2021 / FAO n° 21
En 1999, l’interdiction de distiller céréales et pommes de terre est levée en Suisse, et quelques fins nez lorgnent du côté de l’Écosse ou de l’Angleterre… Alain Bettems, vigneron propriétaire d’une cave à Féchy, fait partie de ceux-là. S’il lui arrivait de distiller de l’eau-de-vie de lie à partir de ses fonds de cuve de blanc, un maître-brasseur ami lui souffle en 2006 l’idée du whisky… Alain se lance, produit une cinquantaine de bouteilles qu’il fait vieillir deux ans en tonneau et les met en vente, «comme ça, pour voir» se souvient-il amusé. En deux semaines, il en vend quarante. Alors que la consommation des eaux-de-vie est en baisse, il y voit un heureux présage… «La seule règle pour commercialiser du whisky, dont le nom n’est pas protégé, c’est de le faire vieillir trois ans en fût de chêne». Désormais, il dispose d’une trentaine de tonneaux et produit quelque 1500 bouteilles par an, en compagnonnage avec le fameux bouilleur de cru «du cru», Alex Paccot, de la Société coopérative de distillerie de Féchy qui dispose d’un alambic de 1860.
Quant au gin, il gagne aussi du terrain en Suisse comme en témoigne la distillerie artisanale La Roja, installée à Pompaples depuis 2018. En 2019 déjà, Julien Hottinger et Antoine Delorme, deux amis qui souhaitent «mettre fin au diktat des géants des spiritueux», obtiennent deux prestigieux prix internationaux pour leur London Dry Gin. Pour ces deux alchimistes en herbe qui ont «appris sur le tas avec leur bouilleur de cru et développé leur recette à tâtons», il s’agit de tout faire de A à Z et dans les règles de l’art, de l’avoine bio acheté à un ami de la région jusqu’à la fermentation dans leur atelier en passant par le brassage et la macération d’herbes bio. «Ce qui est facile avec le gin – et les alcools blancs de manière générale – c’est qu’il n’y a pas de besoin de vieillissement, contrairement au whisky. On le garde un mois dans une bombonne en verre, le temps que les arômes se placent, avant de le mettre en bouteille.» C’est pourtant dans les alcools vieillis qu’ils veulent se spécialiser, ainsi que dans les productions atypiques comme la vodka en fût de chêne, une invention de leur cru qui «surprend pas mal de spécialistes». En attendant, ils commercialisent déjà une «Vodka 1825», élaborée à partir de pommes de terre hors calibre du coin, ainsi revalorisées: «c’est assez rare chez nous, et c’est pour renouer avec les plus anciennes traditions suisses, une sorte d’hommage à la distillation clandestine du passé».